vendredi 19 janvier 2018

À la mémoire d'un poète



Le lundi 15 janvier de cette année, Guy Amou rendait l'âme à Montréal. Et, la vieille, le soir du dimanche au lundi, poussé par une subite inspiration, je décidai de sortir des archives juridiques pour rafraîchir ma mémoire, quand je vis un poème écrit environ dix ans plus tôt par le défunt. C'était comme si le poème me disait : « Publie-moi! Publie-moi, conformément à la volonté de mon auteur!»
Guy Amou avait effectivement émis le souhait de se faire publier par mes soins. Mais, confronté à l'époque aux démons de la contrefaçon, je ne me sentais pas dans cette disposition.
Je publie donc une partie de ce puissant poème que j'ai scindé en trois parties:

Afrika

J'ai quitté une terre
Où la vie emprunte la voix des griots
Pour dire la poésie
Des gestes gratuits,
Pour bénir l'intemporalité
Des paris sur le possible.

J'ai quitté une terre
Où le présent prend des détours
Pour mieux surprendre
Le secret des rides sereines
Et gorgées de souvenirs.

J'ai quitté une terre
Où, depuis le temps d'avant le temps,
Chaque aube bat des paupières étonnées
Sur les murmures résiduels
Des tam-tams qu'aucune main ne tutoie
Qui ne soit purifiée par la fidélité
Au Verbe inaudible.

On m'a souvent demandé:
« Pourquoi donc es-tu parti? »
À cela, constamment, inlassablement
J'ai répondu:
« Seul le hasard est maître de mes pas¡ »
J'ai toujours répondu ainsi par prudence.
Cette réponse lapidaire m'a été inspirée
Par un vieux fond de désinvolture
Que m'ont enseigné des siècles de rebuffades.

Je vous vois froncer les sourcils
Il est vrai que vous êtes nés bien longtemps
Après la lassitude des soupirs condensés
En silence rancunier sur les rives du Congo.
Nul ne vous a jamais raconté la tragédie
Des oracles éparpillés par les vents
Porteurs des germes d'amnésie.

Guy Amou