jeudi 31 octobre 2013

Ces constructions sauvages au bord du fleuve




Edito du Filon 06 du 06 Décembre 2012


L’anarchique urbanisation de Bamako a défiguré la ville au lieu de l’embellir. S’il est impossible de revenir totalement en arrière, l’urgence recommande cependant de casser toutes les constructions sauvages érigées au bord du fleuve, au mépris des normes de bornage. De Kalaban à Faso Kanou, la rive droite du fleuve Niger est emprisonnée dans une jungle de béton, obstruant toute vue sur le fleuve et bloquant tout passage. Pour aller d’un coin à l’autre, le piéton est obligé de faire de longs et intempestifs détours, le forçant à emprunter les routes enfumées et sans trottoir, risquant à tout moment de se faire écraser par un automobiliste ou un motocycliste.
Les espaces devant servir de passage-piéton ont été illégalement accaparés par des riches avec la complicité des véreux agents administratifs. Ils ont construit jusqu’à dans le lit du fleuve, comme s’ils voulaient freiner les crues ou précipiter l’assèchement du cours d’eau. Certains ont été punis pour leur aveuglément, leurs constructions réalisées à coups de centaines de millions de francs CFA, étant inhabitables, car inondées pendant l’hivernage.
C’est un désastre environnemental à l’aune de l’arrogance et la criminalité des nouveaux riches du Mali. Leur égoïsme puant et leur monstrueuse avidité transparaissent à chaque détour qu’on est contraint de faire pour se frayer un chemin vers la brise fluviale. Ils ne respectent pas même les petits espaces devant exister entre deux bâtiments. Le propriétaire de Badala Hôtel un certain Thiam est un exemple du genre. Non content d’avoir un grand espace au bord du fleuve dont il tire d’énormes profits, il a aussi récupéré la petite aire  qui sépare son hôtel du fleuve, poussant l’égocentrisme jusqu’à supprimer le petit coin aménagé qui servait de lieu de villégiature pour les amoureux du fleuve. Ce monsieur pestait chaque fois qu’il voyait quelqu’un assis-là pour contempler le fleuve. Pour lui et ses semblables destructeurs de l’environnement –, la loi de l’argent prime sur toute autre valeur. Le droit de se promener, le droit de respirer l’air pur et le droit de se relaxer au bord du fleuve étant l’apanage des parvenus ou des touristes blancs qui leur servent de clients.
Jouissant d’une inacceptable impunité dans un Etat déliquescent, ils ne mesurent pas toute l’ampleur de leur crime contre l’environnement et la société. Les petits jardiniers qui occupent les quelques rares espaces provisoirement épargnés, affirment avec stoïcisme : « Il ne leur reste plus qu’à venir construire au milieu du fleuve! » Ils le feront à coup sûr si l’on continue à les laisser faire. Ils iront jusqu’à réclamer des droits de passage aux pêcheurs dont ils ont pris l’espace et obligé à s’entasser comme des abeilles dans une ruche.
Qui leur a accordé le permis de construire ? C’est une question au cœur de notre investigation. Beaucoup de noms circulent en la matière… En attendant de faire le tour de la question, nous invitons les nouvelles autorités à envisager la destruction pure et simple de ces échafaudages intempestifs. Si elles ne le font pas, ce sont les populations étouffées qui le feront dans des conditions tragiques. Ce problème est une source de remous social, dans un contexte de démographie galopante où l’on n’a pas prévu d’espaces de loisirs pour une jeunesse en proie au chômage endémique.

Mountaga Fané Kantéka

NB: Le compte à rebours a commencé par l'action en justice enclenchée par les notables de Badalabougou contre une construction de Malivision, faite dans le lit du fleuve.