lundi 3 décembre 2007

LA CONFISCATION DE L'HISTOIRE MANDINGUE / LA VÉRITÉ SUR LE MYTHE DE SONJATA KÈTA

© Copyright 2007, Mountaga Fané Kantéka
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NB: Au moment où j'écrivais cet article, c'était deux ans après la parution de mon ouvrage Odyssées noires. Plus de dix ans après, j'ai avancé dans la recherche sur l'histoire mandingue et dispose de plus d'éléments sur la question. Sans remettre le fond de cet article en question, les nouveaux éléments dont je dispose viennent y apporter plus de précisions. Mais je les réserve pour les livres que je dois publier sur ce sujet.

Beaucoup d’Africains qui font l’effort de s’intéresser à la version occultée de leur histoire commettent presque toujours la même erreur : croire que c’est seulement le Blanc qui falsifie l’histoire de l’Afrique. Il n’en est rien. La falsification de l’histoire africaine est aussi un phénomène endogène, impliquant certaines couches sociales désireuses d’écrire l’histoire à leur convenance, dans un but idéologique et en fonction des réalités dominantes du moment.
Il en est de même avec la légende de SONJATA (et non SOUNDJATA) KÈTA (et non KÉITA), un personnage mythique qui sert de référence à une couche de la société mandingue pour revendiquer un héritage historique qui les rehausse au détriment des autres. Telle que connue et enseignée un peu partout dans le monde, l’épopée mandingue constitue l’UNE DES PLUS GRANDES IMPOSTURES de l’histoire humaine. Du nom de ses protagonistes à l’étendue temporelle, tout y est imposture. On a pris l’histoire de plusieurs générations de règnes qu’on a fondues en une seule avec deux héros, dont l’un, Soumahoro, symbolisant le Vilain, aurait été vaincu par le Bon, Sonjata, dans une mythique bataille appelée « Bataille de Krina »…

QU’EN EST-IL DANS LA RÉALITE? QUE RESTE-T-IL DU MYTHE DE SONJATA QUAND ON DELAISSE LA LÉGENDE POUR PARLER D’HISTOIRE ? Rien, absolument. Il faut d’abord savoir que Sonjata n’est pas un nom ou prénom d’une personne. C’est un TITRE COLLECTIF signifiant « lion-voleur » qui a été porté par une multitude de personnes dont des femmes. Pourquoi ce titre de « lion-voleur » ?
Pour symboliser l’USURPATION DE L’HERITAGE par un fils au détriment des autres cohéritiers d’où l’autre titre de Kèta qui signifie littéralement « prendre l’héritage ». Dans la langue malinké, l’héritage, c’est '' kè '' , et le verbe « prendre », c’est '' ka ta'' . Donc, ''Sonjata Kèta '' signifie littéralement « LION-VOLEUR-USURPATEUR-D’HERITAGE »...

Les surprises ne s’arrêtent pas là ! Il faut aussi savoir que les mêmes protagonistes qui ont porté ce titre collectif de Sonjata Kèta (« lion-voleur-usurpateur-d’héritage ») l’ont porté simultanément avec d’autres titres collectifs comme FAKOLI (qui est un titre de parricide,
« celui qui a mis son père en échec») et TIRAMAKAN (qui est une déformation de tara Makan , « Roi du feu ») ou de TOURA MAKAN (qui veut dire « Roi Taureau »), etc.
Cela veut dire que les personnages Fakoli et Tiramakan , présentés par la légende comme des compagnons de Sonjata, sont en réalité des PERSONNAGES FICTIFS puisque les titres de Sonjata, Fakoli et Tiramakan ont été portés simultanément par une même personne (suivie d’autres qui portèrent les mêmes titres collectifs). D’où cette appellation « d’HOMMES AUX MULTIPLES NOMS » ou titres…
Et vous n’avez pas fini encore avec les surprises. Le premier Sonjata alias Fakoli alias Tiramakan a aussi porté le titre de Soumahoro, hérité de son père et de son oncle, titre de roi-prêtre hérité de l’Égypte pharaonique … Soumahoro n’est donc pas non plus le nom d’une personne, mais un titre qui a été porté par au moins trois personnes dont le fils Sonjata. Tarawélé (un titre en rapport notamment avec le feu) fut porté par l’oncle Soumahoro qui se faisait appeler Fara Körö Makan Kègni (voulant dire « Beau Roi de sous le rocher »), désigné à tort par la légende comme étant le père biologique du premier Sonjata.

Toute l’épopée mandingue se passe dans la même famille, avec beaucoup de trahisons et d’assassinats entre parents de même sang qui ne se mariaient qu’entre eux-mêmes, comme en Égypte pharaonique. Kantè et Konatè ne sont aussi que des titres avec des significations politique et religieuse. L'un des dénominateurs communs des protagonistes de l’histoire mandingue est KAMARA.
L'un des Sonjata se fait appeler  DJIKI KAMARA, alias MAKANTAGA DJIKI (Djiki qui est parti à la Mecque). Ce même Djiki a d’autres noms civils comme MOULAYE ou MOUSSA. Il est encore adoré comme un Dieu par le Kömö, l'une des confréries initiatiques du Mali. Dans ce milieu, on préfère le désigner sous ses titres de Fakoli, de Tiramakan ou de Soumahoro.

Il y a beaucoup de choses que vous ne savez pas dans l’histoire mandingue qui regorge de secrets farouchement gardés par les dépositaires des bois sacrés… Les griots traditionalistes eux-mêmes sont tributaires des soma (prêtres des bois sacrés) qui sont les vrais dépositaires de l’histoire mandingue…
Bref, c’est pour vous dire que chaque fois qu’un historien, prétendu expert de l’histoire mandingue, aborde cette histoire en mentionnant les titre de Sonjata, de Fakoli ou de Tiramakan, éloignez-vous de lui. Il ne vous parle pas d’histoire, mais de légende. Il vous parle de conte. Cette histoire de « Bataille de Krina » ayant opposé Soumahoro à Sonjata, ne veut absolument rien dire si l’on ne précise pas quel Sonjata a combattu quel Soumahoro, puisque, comme je l'ai mentionné, le premier Sonjata a porté aussi le titre de Soumahoro et aurait assassiné son propre frère (KAMANDJAN KAMARA) pour rester seul au pouvoir. Et le fils de ce malheureux frère a déclenché une guerre sans merci contre lui. Et ce fils vengeur, KAMAN MORY ou KANIBA MORY, fut aussi appelé Sonjata. Son cousin NAN KOMAN, NAN KOMANDJAN alias KONG KOMAN ou WARABAN KOMAN fut aussi un Sonjata. Et après ce cousin, il y a eu d’autres Sonjata comme DJIBRIL (alias DIBI ou DJIBI), NAN SEYAN et DJÉDJAN, etc, tous de la même lignée… Et tous des Forgerons qui furent rebaptisés BOULA ou BILA (une notion renfermant beaucoup d’ambigüités). Toute l’histoire du Manden est une histoire de Forgerons… Oui, une histoire de Forgerons...

Ajoutons à cela qu’il y a eu un ESCLAVE AFFRANCHI ( HÖRON) qui a porté ce titre de Sonjata
Quand on parle de la CONSTITUTION DE KOUROUGAN FOUGAN, en l’attribuant à Sonjata, sans préciser quel Sonjata, il y a de graves problèmes. Sans compter qu’il y a beaucoup de REVISIONNISME dans cette mythique constitution, comme par exemple cette histoire de division de la société en 33 clans qui serait l’œuvre de Sonjata. C’EST FAUX ET ARCHI-FAUX. Les 33 CLANS ont existé à la naissance du Manden qui fut bâti autour de 33 clans de braves guerriers qu’on appelait nwana. Et bien avant la naissance du premier Sonjata.

On continue à multiplier les FAUX DÉBATS en ressassant les mêmes légendes, faisant appel à des « HISTORIENS » QUI SONT ISSUS DE LA LIGNÉE DES FILS QUI ONT COUPÉ AVEC LA GÉNÉALOGIE DE LEURS PÈRES (LES DEUX FRÈRES SOUMAHORO, BROULAYE ET NIANI MAMOUROU KOROBA, L’ANCIEN, ALIAS NIANI MASSA KARA KAMARA, CO-FONDATEURS DE L’EMPIRE MANDING).

Cela s’appelle la CONFISCATION. LA CONFISCATION DE L’HISTOIRE D’UN PEUPLE AU PROFIT D’UN GROUPE QUI VEUT S’ATTRIBUER DES BÉNÉFICES POLITIQUES ET SOCIAUX AVEC LA COMPLICITÉ DE GRIOTS CORROMPUS.

Mais le temps des griots ayant signé des pactes d’allégeances avec le « serment d’enseigner ce qu’il faut enseigner et taire ce qu’il faut taire » est révolu. Le temps des menaces de mort quant à la révélation de la vérité historique l’est aussi. Maintenant, c’est l’heure de la vérité historique. Et personne ne va plus tuer personne pour cela.
Maintenant, je m’adresse aux initiés des bois sacrés :
« Vous le savez, l’histoire du Manden est inséparable de l’exil. Le Manden sort de l’exil. Le Manden est un perpétuel exil. Vous le savez, au Manden, le pouvoir vient de l’exil. Vous le savez, au Manden, la Vérité vient de l’exil. Vous le savez, le Manden se renouvelle à partir de l’exil. Cette Parole s’adresse à vous à partir de l’exil...»


Mountaga Fané Kantéka, juriste, écrivain-poète et journaliste d'investigation
Odyssées noires / Amours et mémoire d’Outre-monde /
La main de Soumahoro et la mort d’un mythe